Lutter contre le puceron noir du cerisier : astuces et conseils

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Le cerisier, arbre emblématique de nos jardins, est souvent la cible d’un ravageur minuscule mais redoutable : le puceron noir, Myzus cerasi. Cet insecte piqueur-suceur, par sa prolifération rapide, peut causer des dégâts considérables, affaiblissant l’arbre et compromettant la récolte. Les jeunes sujets sont particulièrement vulnérables à ses attaques groupées qui provoquent l’enroulement des feuilles et une production de miellat favorisant le développement de maladies. Face à cette menace récurrente, il est essentiel de connaître son ennemi et de déployer une stratégie de lutte intégrée, combinant prévention, observation et interventions respectueuses de l’écosystème du verger. Des solutions existent, allant de la promotion de la biodiversité à l’application de traitements naturels ciblés.

Comprendre le cycle de vie du puceron noir du cerisier

L’hivernage : la phase dormante

Le cycle annuel du puceron noir débute bien avant l’arrivée du printemps. À l’automne, des œufs sont pondus sur l’écorce du cerisier, généralement à proximité des bourgeons. Ces œufs, d’une couleur noire brillante, sont conçus pour résister aux rigueurs de l’hiver. Cette phase d’hivernage est un moment stratégique pour intervenir. Un brossage méticuleux du tronc et des branches charpentières permet d’éliminer une grande partie de ces œufs, réduisant ainsi la pression du ravageur pour la saison à venir. C’est la première étape d’une lutte préventive efficace.

L’éclosion printanière et la colonisation

Dès que les températures s’adoucissent et que les bourgeons du cerisier commencent à débourrer, les œufs éclosent. De cette éclosion naissent des femelles dites fondatrices. Ces dernières sont aptères (sans ailes) et ont la particularité de se reproduire par parthénogenèse, c’est-à-dire sans fécondation. Chaque fondatrice peut ainsi donner naissance à des dizaines de descendants, créant très rapidement des colonies denses. Ces premières générations s’installent sur les jeunes pousses et sous les feuilles tendres, aspirant la sève et initiant les premiers dégâts.

Le cycle estival et les plantes hôtes secondaires

Lorsque les colonies deviennent surpeuplées ou que la qualité de la sève du cerisier diminue, des individus ailés apparaissent au sein de la population. Ces pucerons ailés vont alors migrer vers des plantes hôtes secondaires pour y poursuivre leur développement durant l’été. Le puceron noir du cerisier apprécie particulièrement certaines plantes herbacées sauvages comme :

  • Le gaillet (Galium)
  • La véronique (Veronica)
  • L’aspérule (Asperula)

La gestion de l’enherbement autour du verger peut donc jouer un rôle dans la régulation des populations, en limitant la disponibilité de ces relais estivaux.

Le retour sur le cerisier à l’automne

À la fin de l’été ou au début de l’automne, une nouvelle génération de pucerons ailés quitte les plantes hôtes secondaires pour retourner sur leur hôte primaire : le cerisier. C’est à ce moment qu’a lieu la reproduction sexuée, qui aboutira à la ponte des œufs d’hiver. Le cycle est alors bouclé, préparant l’infestation de l’année suivante. Comprendre cette migration est fondamental pour anticiper les interventions et rompre le cycle infernal du ravageur.

La connaissance de ce cycle biologique complexe est la pierre angulaire de toute stratégie de lutte. Elle permet de savoir quand et où agir, mais avant d’intervenir, il faut être capable de déceler les premiers indices d’une présence ennemie.

Les signes d’une infestation : comment les repérer

Déformation du feuillage

Le symptôme le plus visible d’une attaque de pucerons noirs est la réaction du feuillage. Les feuilles, en particulier celles des jeunes rameaux, se crispent, s’enroulent sur elles-mêmes et se gaufrent. Cette déformation est la conséquence directe des piqûres des pucerons qui se nourrissent de la sève. L’arbre prend alors un aspect rabougri, et sa croissance est fortement ralentie. Une inspection régulière des extrémités des branches au printemps est donc primordiale pour un repérage précoce.

Présence de miellat et de fumagine

En se nourrissant, les pucerons rejettent une substance liquide, sucrée et collante appelée miellat. Ce liquide poisseux recouvre les feuilles, les branches et les fruits situés sous la colonie. Le miellat constitue un substrat idéal pour le développement d’un champignon noir, la fumagine. Cette moisissure noire, bien que non pathogène pour l’arbre, forme une couche opaque qui limite la photosynthèse, affaiblissant encore davantage le cerisier et rendant les fruits impropres à la consommation.

Observation directe des colonies et des fourmis

Un examen attentif de la face inférieure des feuilles enroulées révèle la présence des pucerons eux-mêmes. Ils forment des amas compacts d’insectes noirs et luisants. On peut également y observer de petites peaux blanches, les exuvies, qui sont les anciennes mues des pucerons. Un autre indice de taille est l’activité des fourmis. Celles-ci sont très friandes du miellat et entretiennent une relation de mutualisme avec les pucerons : elles les protègent de leurs prédateurs en échange de cette nourriture sucrée. Un va-et-vient incessant de fourmis le long du tronc et des branches est un signal d’alerte quasi certain.

Une fois l’infestation confirmée, il n’est pas toujours nécessaire de se ruer sur des produits de traitement. La nature a ses propres mécanismes de régulation, et il est souvent judicieux de commencer par favoriser les ennemis naturels du puceron.

Accueillir les auxiliaires prédateurs pour protéger votre cerisier

La coccinelle : une alliée de choix

La coccinelle est sans doute le prédateur de pucerons le plus connu. L’adulte, mais surtout sa larve, sont des consommateurs voraces. Une seule larve de coccinelle peut dévorer plusieurs centaines de pucerons durant son développement. Pour les attirer et les retenir dans votre jardin, il est crucial de bannir les insecticides à large spectre. Laisser des bandes enherbées ou des coins de jardin sauvage avec des plantes comme l’ortie ou l’achillée millefeuille leur fournira un gîte et des proies alternatives.

Les autres champions de la lutte biologique

D’autres insectes sont tout aussi efficaces. Les larves de syrphes, qui ressemblent à de petites limaces translucides, sont de redoutables prédatrices. Les adultes, qui ressemblent à de petites guêpes, sont d’excellents pollinisateurs. Les chrysopes, ou « demoiselles aux yeux d’or », pondent leurs œufs au bout de longs pédoncules au cœur des colonies de pucerons. Leurs larves, très mobiles, se nourrissent activement de pucerons. Pour attirer ces précieux auxiliaires, la diversification végétale est la clé : semez des fleurs riches en nectar et en pollen comme la phacélie, le cosmos ou le souci.

Aménager un environnement accueillant

Pour héberger durablement cette faune utile, quelques aménagements simples peuvent faire une grande différence. L’installation d’hôtels à insectes offre des abris pour l’hiver et la reproduction. Une petite source d’eau (une simple coupelle avec des pierres pour éviter les noyades) sera appréciée durant les fortes chaleurs. La présence de haies champêtres composées d’essences locales fournit le gîte et le couvert à une multitude d’espèces, créant un écosystème résilient et équilibré.

Favoriser les prédateurs est une stratégie de fond, mais il est possible d’agir plus directement sur le comportement des pucerons en utilisant l’arme végétale elle-même.

Utiliser des plantes hôtes pour attirer et combattre les pucerons

Le principe des plantes-relais

Certaines plantes ont la capacité d’attirer les pucerons plus que d’autres. On peut utiliser cette propriété à notre avantage en les plantant à proximité du cerisier. Ces plantes-relais ou plantes-pièges vont concentrer les attaques, détournant ainsi les pucerons de l’arbre fruitier. La capucine est l’exemple le plus célèbre : elle est souvent couverte de pucerons noirs. Une fois bien infestée, il suffit de la couper et de l’éliminer pour détruire une grande partie de la colonie. Cette technique permet de réduire la pression sur le cerisier de manière écologique.

Les plantes répulsives : une barrière olfactive

À l’inverse, d’autres végétaux sont connus pour leur effet répulsif. Les plantes aromatiques, grâce aux huiles essentielles qu’elles contiennent, peuvent perturber les pucerons qui se repèrent à l’odorat. Planter de la lavande, de la menthe, de la tanaisie ou de l’absinthe au pied du cerisier peut créer une barrière olfactive dissuasive. L’œillet d’Inde est également un excellent compagnon, réputé pour son action répulsive contre de nombreux parasites, y compris dans le sol.

Tableau comparatif des plantes alliées du cerisier

Pour y voir plus clair, voici un résumé des plantes à intégrer dans votre verger.

Plante Rôle principal Conseils de plantation
Capucine Plante-relais (attire les pucerons) À quelques mètres du cerisier pour servir de piège.
Lavande Répulsif olfactif En cercle autour du pied de l’arbre.
Tanaisie Répulsif et insecticide naturel En bordure du verger ou pour préparer des purins.
Menthe Répulsif puissant En pot pour contrôler son expansion, placée sous l’arbre.
Phacélie Attire les auxiliaires (syrphes, abeilles) Semée en inter-rang ou à proximité.

Ces stratégies de compagnonnage végétal sont très efficaces en prévention. Cependant, si l’infestation est déjà bien installée, des traitements directs peuvent s’avérer nécessaires.

Méthodes de traitement naturel pour éradiquer le puceron noir

Le savon noir : une solution de contact

Le traitement à base de savon noir est une méthode douce et reconnue. Il agit par contact en asphyxiant les pucerons et en dissolvant la cuticule cireuse qui les protège. La recette est simple : diluez environ 15 à 30 grammes (soit 1 à 2 cuillères à soupe) de savon noir liquide dans un litre d’eau tiède. Pulvérisez cette solution directement sur les colonies, en insistant bien sur le dessous des feuilles. Il est préférable de traiter tôt le matin ou en fin de journée pour éviter le soleil direct qui pourrait brûler le feuillage.

Les traitements d’hiver préventifs

Comme évoqué précédemment, l’hiver est une période clé. Outre le brossage de l’écorce, une pulvérisation d’huile blanche (ou huile horticole) sur le tronc et les branches nues est très efficace. Ce produit forme une fine pellicule qui enrobe et asphyxie les œufs d’hiver des pucerons et d’autres ravageurs. Cette application, réalisée entre décembre et février, hors période de gel, réduit considérablement la population de départ au printemps suivant.

Les macérations et décoctions de plantes

Certaines plantes du jardin possèdent des propriétés insecticides ou répulsives qui peuvent être exploitées.

  • Le purin d’ortie : Riche en azote et en oligo-éléments, il renforce les défenses de l’arbre. Pulvérisé dilué à 10%, il a également un effet répulsif sur les pucerons.
  • La décoction d’ail : L’ail est un puissant répulsif. Faites bouillir une tête d’ail hachée dans un litre d’eau, laissez infuser, filtrez et pulvérisez sur le feuillage.
  • La macération de tanaisie : Cette plante est un insecticide de contact efficace. Son odeur forte est un excellent répulsif.

Ces préparations maison sont une alternative intéressante aux produits du commerce, mais leur efficacité peut être variable.

L’utilisation de ces produits, même naturels, n’est pas anodine. Elle doit se faire en respectant certaines règles pour garantir à la fois leur efficacité et la sécurité du cerisier et de ses fruits.

Précautions et compatibilité des produits pour les cerisiers

Vérifier la compatibilité avant tout

Avant d’appliquer un quelconque produit, même s’il est certifié pour l’agriculture biologique, il est impératif de lire attentivement l’étiquette. Assurez-vous que le produit est homologué pour un usage sur les arbres fruitiers et spécifiquement sur le cerisier. Certains produits peuvent être phytotoxiques pour certaines espèces. Il faut également vérifier le délai avant récolte (DAR), qui est le temps à respecter entre le dernier traitement et la cueillette des cerises.

Respecter les dosages et les conditions d’application

Le surdosage est l’ennemi du bien. Un traitement trop concentré, même à base de savon noir, peut provoquer des brûlures sur le feuillage et affaiblir l’arbre. Respectez scrupuleusement les doses recommandées. Les conditions météorologiques sont également déterminantes : ne traitez jamais en plein soleil, par temps de pluie ou de grand vent. Le moment idéal est une journée calme, nuageuse, avec une application le soir pour que le produit agisse durant la nuit sans s’évaporer trop vite.

Protéger les pollinisateurs et la faune utile

La période de floraison est un moment critique. Il est formellement déconseillé d’appliquer tout traitement insecticide durant cette période pour ne pas nuire aux abeilles et autres insectes pollinisateurs, dont le travail est indispensable à la formation des fruits. Privilégiez les interventions très en amont, avant l’ouverture des fleurs, ou après la chute des pétales. Un traitement ciblé, uniquement sur les foyers d’infestation, est toujours préférable à une pulvérisation sur l’ensemble de l’arbre.

La lutte contre le puceron noir du cerisier est un marathon, pas un sprint. Elle repose sur une observation attentive, une bonne connaissance du cycle du ravageur et une combinaison de méthodes préventives et curatives. En favorisant un écosystème riche et équilibré dans le verger, grâce aux plantes compagnes et aux auxiliaires prédateurs, on renforce la résilience naturelle de l’arbre. Les traitements, qu’il s’agisse de l’huile d’hiver ou du savon noir, doivent être considérés comme des outils à utiliser avec discernement et au bon moment. C’est par cette approche globale et respectueuse que l’on pourra savourer chaque année le plaisir d’une récolte de cerises saines et abondantes.