Le bambou, avec ses cannes élancées et son feuillage persistant, apporte une touche d’exotisme et de sérénité à n’importe quel jardin. Symbole de résilience et de croissance rapide, cette graminée géante fascine autant qu’elle interroge. Cependant, derrière son apparente simplicité se cache une diversité surprenante et des exigences de culture spécifiques. Une mauvaise connaissance de ses caractéristiques, notamment de son système racinaire, peut transformer un projet d’aménagement paysager en un véritable casse-tête. Aborder la culture du bambou nécessite donc une approche informée, depuis le choix de la variété jusqu’à son entretien sur le long terme, afin de profiter de ses atouts sans subir ses potentiels désagréments.
Les différentes variétés de bambou
Avant toute chose, il est fondamental de comprendre qu’il n’existe pas un, mais des bambous. La distinction principale, qui conditionnera toute votre expérience, se situe au niveau de leur système de rhizomes, ces tiges souterraines responsables de leur développement. On sépare ainsi les bambous en deux grandes familles aux comportements radicalement opposés.
Les bambous traçants, ou leptomorphes
Ce sont les bambous les plus connus et souvent les plus redoutés. Leurs rhizomes sont longs, fins et peuvent parcourir plusieurs mètres sous terre avant de donner naissance à une nouvelle canne, aussi appelée turion. Cette capacité d’exploration les rend particulièrement envahissants s’ils ne sont pas contenus. Ils sont parfaits pour créer rapidement de grands écrans de verdure, à condition de prendre des mesures de confinement dès la plantation. Les genres les plus courants sont les Phyllostachys, Sasa ou encore Pleioblastus.
Les bambous non-traçants, ou cespiteux
À l’inverse, les bambous cespiteux possèdent des rhizomes dits pachymorphes. Ces derniers sont courts, épais et se développent très près de la touffe mère. La plante s’élargit donc lentement, en formant une touffe dense et compacte, sans jamais chercher à coloniser les alentours. Ils sont beaucoup plus faciles à gérer et ne nécessitent aucune précaution particulière pour limiter leur expansion. Le genre Fargesia est le représentant le plus célèbre de cette catégorie, idéal pour les petits jardins, les haies ou la culture en pot.
Tableau comparatif des types de bambous
Caractéristique | Bambous traçants (Leptomorphes) | Bambous non-traçants (Cespiteux) |
---|---|---|
Type de rhizome | Long, fin, explorateur | Court, épais, aggloméré |
Développement | Expansion rapide et lointaine | En touffe dense et compacte |
Caractère envahissant | Très élevé | Nul |
Utilisation recommandée | Forêts, grands écrans (avec barrière) | Haies, massifs, potées, petits jardins |
Exemples de genres | Phyllostachys, Sasa | Fargesia, Chusquea |
Une fois la variété choisie en fonction de l’espace disponible et de l’effet désiré, l’étape suivante consiste à mettre la plante en terre dans les meilleures conditions pour assurer sa reprise et son développement futur.
Comment bien planter un bambou
La réussite de la culture d’un bambou commence par une plantation soignée. Cette étape est cruciale, car elle détermine non seulement la bonne santé de la plante, mais aussi la facilité avec laquelle vous pourrez la gérer par la suite. Le respect de quelques règles simples garantit un départ optimal.
La période de plantation idéale
La meilleure période pour planter le bambou se situe à la fin de l’été et en automne, de fin août à novembre. Le sol est encore chaud, ce qui favorise l’enracinement avant l’hiver. Une plantation au printemps, de mars à début juin, est également possible. Il faut cependant impérativement éviter les périodes de gel intense ou de fortes chaleurs estivales, qui représentent un stress important pour la jeune plante.
Le choix de l’emplacement et la préparation du sol
Le bambou est une plante peu exigeante, mais il apprécie un sol léger, frais et bien drainé. La plupart des variétés tolèrent aussi bien le plein soleil que la mi-ombre. Avant la plantation, il convient de bien travailler le sol :
- Creusez un trou de plantation environ deux fois plus large et profond que la motte du bambou.
- Amendez la terre extraite avec du compost bien décomposé ou du terreau de plantation pour l’enrichir et l’alléger.
- Si votre sol est lourd et argileux, ajoutez une couche de graviers ou de billes d’argile au fond du trou pour assurer un bon drainage.
Les étapes clés de la plantation
Une fois le trou préparé, la mise en terre est simple. Faites tremper la motte dans un seau d’eau jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de bulles d’air. Dépotez délicatement la plante et installez-la au centre du trou, en veillant à ce que le haut de la motte affleure le niveau du sol. Rebouchez le trou avec le mélange de terre et de compost, puis tassez légèrement. Formez une cuvette d’arrosage autour du pied et arrosez abondamment, même s’il pleut. Un paillage au pied avec des feuilles mortes ou des tontes de gazon aidera à conserver l’humidité.
Une plantation réussie est la première étape, mais un entretien adéquat est nécessaire pour éviter les écueils qui pourraient compromettre la santé et la beauté de vos bambous.
Les erreurs à éviter lors de l’entretien du bambou
Même si le bambou est réputé robuste, certaines erreurs courantes peuvent nuire à son développement, voire entraîner son dépérissement. Connaître ces pièges permet d’assurer une longue vie à vos plantations et de conserver leur aspect luxuriant.
Négliger l’arrosage les premières années
C’est sans doute l’erreur la plus fréquente. Un bambou nouvellement planté n’a pas encore un système racinaire suffisamment développé pour aller chercher l’eau en profondeur. Durant les deux à trois premières années, un arrosage régulier et copieux est indispensable, surtout en période sèche. Un signe qui ne trompe pas : si les feuilles du bambou s’enroulent sur elles-mêmes, c’est qu’il a soif. Il faut alors intervenir sans tarder.
Planter un bambou traçant sans protection
Oublier d’installer une barrière anti-rhizomes lors de la plantation d’une variété traçante est une erreur aux conséquences majeures. Les rhizomes peuvent s’étendre sur des mètres, envahir le reste du jardin, passer sous les clôtures et même endommager des terrasses ou des fondations légères. La pose d’une barrière spécifique, en polypropylène ou en béton, est une contrainte initiale qui vous évitera bien des tracas futurs.
Un apport d’engrais inadapté ou inexistant
Le bambou est une plante gourmande, sa croissance rapide épuise les réserves du sol. L’absence de fertilisation peut entraîner un ralentissement de la croissance et un jaunissement du feuillage. Il est conseillé d’apporter un engrais riche en azote au début du printemps, comme un engrais pour gazon. Évitez les engrais trop riches en potasse qui pourraient freiner le développement des nouvelles cannes.
Ces conseils s’appliquent principalement à la culture en pleine terre, mais le bambou peut aussi s’épanouir en pot, à condition de lui prodiguer des soins encore plus spécifiques.
Entretien optimal du bambou en pot
Cultiver un bambou en pot ou en bac est une excellente solution pour les terrasses, les balcons ou pour maîtriser les variétés les plus vigoureuses. Cette méthode de culture demande cependant une attention plus soutenue, car la plante évolue dans un volume de terre restreint.
Le choix du contenant et du substrat
Le pot doit être suffisamment grand pour permettre au système racinaire de se développer. Prévoyez un contenant d’au moins 40 à 50 litres pour un bambou de taille moyenne. Le matériau importe peu (terre cuite, plastique, bois), mais le fond doit impérativement être percé pour garantir l’évacuation de l’excès d’eau. Utilisez un substrat riche et drainant, composé d’un mélange de terreau de plantation, de compost et d’un peu de sable de rivière.
L’arrosage et la fertilisation : des points de vigilance
En pot, le substrat s’assèche beaucoup plus vite qu’en pleine terre. L’arrosage doit donc être très régulier, voire quotidien en plein été. Ne laissez jamais la motte se dessécher complètement. La fertilisation est également cruciale. Apportez un engrais liquide pour plantes vertes, riche en azote, tous les 15 jours durant la période de croissance, du printemps à la fin de l’été. Un apport d’engrais à libération lente au début du printemps est aussi une bonne option.
Le rempotage et la division
À l’étroit dans son pot, le bambou finit par épuiser son substrat et ses racines saturent l’espace. Un rempotage tous les deux à trois ans est nécessaire. C’est l’occasion de diviser la touffe si elle est devenue trop dense, ce qui permet de régénérer la plante et d’obtenir de nouveaux pieds. Sortez la motte, coupez-la en plusieurs sections à l’aide d’une scie égoïne, et rempotez chaque éclat dans un nouveau pot.
Que ce soit en pot ou en pleine terre, la gestion de la croissance, et surtout de l’expansion pour les variétés traçantes, reste un aspect central de la culture du bambou.
Prévenir et gérer la propagation du bambou
La vigueur du bambou traçant est sa plus grande qualité et son principal défaut. Une gestion proactive de sa propagation est la clé pour cohabiter sereinement avec lui. Ignorer ce point peut conduire à des situations d’envahissement complexes à résoudre.
L’installation d’une barrière anti-rhizomes (BAR)
La solution la plus efficace pour contenir un bambou traçant est la mise en place d’une barrière anti-rhizomes. Il s’agit d’un film plastique semi-rigide et très résistant, généralement en polyéthylène haute densité (PEHD).
- Profondeur : La barrière doit être enterrée à une profondeur de 60 à 70 cm. Les rhizomes se développent majoritairement dans les 50 premiers centimètres du sol.
- Inclinaison : Il est conseillé de l’installer avec une légère inclinaison vers l’extérieur (environ 15°) pour que les rhizomes qui la rencontrent soient déviés vers la surface plutôt que de plonger en profondeur.
- Fermeture : Le joint de fermeture de la barrière doit être parfaitement étanche et solide, car c’est un point de faiblesse potentiel.
- Surface : Laissez dépasser la barrière de 5 à 10 cm au-dessus du niveau du sol pour repérer et couper les rhizomes qui tenteraient de la franchir par le haut.
Techniques de contrôle pour les colonies établies
Si un bambou traçant s’est déjà échappé, plusieurs méthodes existent pour le contrôler. La plus simple est de surveiller régulièrement le pourtour de la zone et de couper à la bêche toute nouvelle pousse dès son apparition. Pour une éradication plus radicale, il faut épuiser le système de rhizomes en coupant systématiquement toutes les nouvelles cannes au fur et à mesure de leur sortie. Ce processus est long et fastidieux, mais il prive le rhizome de l’énergie issue de la photosynthèse et finit par l’affaiblir jusqu’à sa mort.
Bien maîtrisée, cette vigueur peut être mise au service d’un projet paysager spécifique, comme la création d’une haie dense et occultante.
Conseils pour une haie de bambou réussie
Le bambou est un choix de plus en plus populaire pour la création de haies. Son feuillage persistant, sa croissance rapide et son bruissement apaisant en font un écran végétal de premier ordre. Pour obtenir une haie esthétique et fonctionnelle, quelques règles sont à suivre.
Le choix de la variété, encore et toujours
Pour une haie sans souci, les bambous non-traçants du genre Fargesia sont idéaux. Ils forment naturellement des touffes denses et ne nécessitent aucune barrière. Pour une haie très haute et à croissance express, un Phyllostachys (traçant) peut être envisagé, mais uniquement avec une barrière anti-rhizomes. Choisissez la variété en fonction de la hauteur finale désirée et de son adaptation à votre climat.
Densité et distance de plantation
La distance de plantation entre chaque pied détermine la vitesse à laquelle votre haie se refermera. Pour une haie de bambous cespiteux (Fargesia), une distance de 80 cm à 1 mètre entre chaque plant est généralement recommandée. Pour les bambous traçants, on peut espacer davantage les pieds, jusqu’à 1,50 mètre, car les rhizomes combleront rapidement l’espace intermédiaire.
La taille de formation et d’entretien
Une fois la hauteur souhaitée atteinte, vous pouvez tailler vos bambous une à deux fois par an pour maintenir la forme et la densité de la haie. La taille s’effectue au sécateur ou à la cisaille. N’hésitez pas à couper les cannes à la hauteur voulue ; une canne de bambou coupée ne repoussera jamais en hauteur. La taille favorise également l’apparition de nouvelles feuilles à la base, ce qui densifie la haie. Il est aussi conseillé de supprimer les cannes les plus anciennes (plus de 4-5 ans) pour aérer la touffe et stimuler la production de nouveaux turions.
Maîtriser la culture du bambou revient finalement à un équilibre entre le choix judicieux de la variété, une plantation rigoureuse et un entretien adapté. En respectant ces principes fondamentaux, cette plante d’exception saura transformer votre jardin en un havre de paix et de verdure, sans devenir une source de préoccupation. De la sélection attentive à la gestion de sa croissance, chaque étape contribue à profiter pleinement des qualités uniques de cette graminée hors du commun.