La rhubarbe, avec ses pétioles charnus et son goût acidulé reconnaissable entre tous, est une plante vivace qui trouve sa place dans de nombreux potagers. Appréciée en cuisine pour la confection de compotes, de tartes ou de confitures, elle est aussi d’une étonnante simplicité de culture. Capable de prospérer pendant une dizaine d’années, voire plus, dans un sol frais et bien amendé, elle offre non seulement une récolte généreuse mais également un attrait ornemental indéniable grâce à son feuillage luxuriant. Sa robustesse et sa productivité en font un choix judicieux pour les jardiniers, qu’ils soient novices ou expérimentés.
Caractéristiques et variétés de rhubarbe
Avant de se lancer dans sa culture, il est essentiel de comprendre la nature de cette plante et de connaître les différentes variétés disponibles. Bien qu’utilisée comme un fruit en pâtisserie, la rhubarbe est botaniquement un légume, dont on ne consomme que les tiges, appelées pétioles. Ses grandes feuilles, bien que spectaculaires, sont toxiques et ne doivent jamais être ingérées.
Un légume au cœur de fruit
La rhubarbe (Rheum rhabarbarum) est une plante herbacée vivace originaire d’Asie. Elle se caractérise par un rhizome souterrain robuste d’où émergent au printemps de grandes feuilles portées par des pétioles épais et juteux. C’est une plante qui apprécie les climats tempérés et qui a besoin d’une période de froid hivernal pour bien se développer. Un pied de rhubarbe bien installé peut rester productif pendant plus de quinze ans, ce qui en fait un investissement durable pour le jardin. Son système racinaire puissant lui permet de puiser les nutriments en profondeur, expliquant son besoin d’un sol riche et meuble.
Panorama des variétés courantes
Il existe de nombreuses variétés de rhubarbe, se distinguant par la couleur de leurs tiges, leur précocité, leur teneur en sucre et leur acidité. Le choix d’une variété dépendra de l’utilisation culinaire envisagée et des préférences gustatives de chacun. Certaines sont plus tendres, d’autres plus productives.
Variété | Couleur du pétiole | Caractéristiques principales | Usage recommandé |
---|---|---|---|
Victoria | Vert teinté de rouge | Très productive et rustique, tiges épaisses, acidité modérée. C’est une variété classique et fiable. | Confitures, compotes, tartes. |
Frambozen Rood | Rouge intense | Tiges plus fines, saveur douce et fruitée rappelant la framboise, moins acide que d’autres variétés. | Desserts, confitures fines, consommation crue (avec du sucre). |
Goliath | Vert | Variété très vigoureuse produisant des pétioles exceptionnellement larges et longs. Très grande productivité. | Idéale pour les grandes quantités : conserves, jus. |
Canada Red | Rouge vif | Tiges sucrées et tendres, conservant leur couleur à la cuisson. Peu filandreuse. | Tartes, crumbles, où la couleur est importante. |
Après avoir choisi la variété qui convient le mieux à ses attentes, il convient de lui offrir des conditions de plantation optimales pour garantir son bon développement et une récolte abondante pour les années à venir.
Techniques de plantation pour un succès assuré
La réussite de la culture de la rhubarbe repose en grande partie sur sa plantation. Le choix de l’emplacement, la préparation du sol et le respect du calendrier sont des étapes clés qui conditionneront la vigueur et la productivité de la plante.
Le choix crucial de l’emplacement
La rhubarbe est une plante gourmande qui a besoin d’un sol riche, profond, frais et bien drainé. Un sol lourd et argileux qui retient trop l’eau en hiver pourrait faire pourrir ses racines. Avant la plantation, il est donc primordial d’ameublir la terre sur une profondeur d’au moins 40 centimètres et d’y incorporer généreusement du compost bien décomposé ou du fumier. Concernant l’exposition, elle se plaît aussi bien au soleil qu’à la mi-ombre. Une situation mi-ombragée est même préférable dans les régions du sud pour la protéger des fortes chaleurs estivales. Il faut également prévoir de l’espace, car un pied adulte peut atteindre une envergure d’un mètre carré.
Quand et comment mettre en terre ?
La période de plantation idéale se situe à l’automne, de septembre à novembre. Planter à cette saison permet au rhizome de bien s’installer et de développer son système racinaire avant l’arrivée de l’hiver, assurant un meilleur démarrage au printemps suivant. Une plantation au printemps, de mars à avril, est également possible, mais elle exigera un arrosage plus suivi durant le premier été. Voici les étapes pour une plantation réussie :
- Creuser un trou de plantation d’environ 50 cm de côté et de profondeur.
- Déposer une bonne couche de compost ou de fumier au fond du trou.
- Recouvrir d’un peu de terre pour éviter le contact direct des racines avec l’engrais.
- Placer le rhizome (ou l’éclat de touffe) dans le trou, en veillant à ce que le bourgeon supérieur affleure juste à la surface du sol.
- Reboucher le trou avec un mélange de terre de jardin et de terreau.
- Tasser légèrement et arroser abondamment pour éliminer les poches d’air.
Une fois la rhubarbe bien installée dans son nouvel environnement, quelques gestes d’entretien réguliers suffiront à la maintenir en excellente santé et à stimuler sa production.
Secrets d’entretien pour une rhubarbe en pleine forme
Contrairement à de nombreuses plantes du potager, la rhubarbe demande peu d’attention une fois qu’elle est bien établie. Un entretien minimal mais régulier est cependant le secret pour obtenir des récoltes généreuses et de qualité année après année.
L’arrosage et le paillage : le duo gagnant
La rhubarbe, avec ses grandes feuilles, évapore beaucoup d’eau. Elle a donc des besoins hydriques importants, surtout pendant les périodes chaudes et sèches. Un manque d’eau peut entraîner la production de tiges fines et fibreuses. Il est conseillé d’arroser régulièrement et en profondeur, surtout durant le premier été suivant la plantation. Un paillage épais (paille, tontes de gazon séchées, feuilles mortes) installé au pied de la plante au printemps est très bénéfique. Il permet de conserver l’humidité du sol, de limiter la croissance des mauvaises herbes et d’enrichir la terre en se décomposant.
Fertilisation et soins courants
Étant une plante très gourmande, la rhubarbe apprécie un apport annuel de matière organique. Chaque fin d’hiver ou début de printemps, il est recommandé d’épandre une bonne couche de compost ou de fumier bien mûr à son pied. Ce geste simple nourrit la plante pour toute la saison. Un autre soin important consiste à supprimer les hampes florales dès leur apparition. Si on laisse la rhubarbe monter en fleur, elle consacrera son énergie à la production de graines au détriment de ses pétioles. Il suffit de les couper à la base pour encourager la plante à développer son feuillage.
Avec le temps, un pied de rhubarbe peut devenir très imposant. Pour le régénérer et maintenir une bonne production, il est utile de le multiplier, une opération simple qui permet aussi d’obtenir de nouveaux plants.
Astuces de multiplication et de propagation
Multiplier sa rhubarbe est une excellente façon de rajeunir un vieux plant qui commence à produire moins ou à avoir un centre dégarni. C’est également l’occasion d’obtenir de nouveaux plants gratuitement pour agrandir sa culture ou en faire profiter ses proches.
La division de touffe : méthode reine
La méthode la plus simple, la plus rapide et la plus fiable pour multiplier la rhubarbe est la division de la souche. Cette opération se pratique de préférence à l’automne, après la chute des feuilles, ou au tout début du printemps, juste avant le démarrage de la végétation. Il est conseillé de diviser un pied bien établi, âgé d’au moins quatre ou cinq ans. À l’aide d’une bêche bien affûtée, il faut trancher nettement la souche en plusieurs éclats. Chaque éclat doit comporter au moins un ou deux gros bourgeons (appelés « yeux ») et une portion de racines saines. Ces éclats peuvent ensuite être replantés immédiatement dans un nouvel emplacement préparé, en suivant les mêmes conseils que pour une plantation initiale.
Le semis : une option pour les plus patients
Il est aussi possible de multiplier la rhubarbe par semis, bien que cette méthode soit plus longue et plus aléatoire. Les graines peuvent être semées en godets au printemps ou en été. Les jeunes plants seront ensuite repiqués en pleine terre à l’automne. Il faut savoir que les plants issus de semis mettront plusieurs années avant de pouvoir être récoltés. De plus, ils ne seront pas forcément identiques à la plante mère, surtout s’il s’agit d’une variété hybride. La division reste donc la technique à privilégier pour une multiplication efficace.
Une fois que les plants, qu’ils soient issus d’une plantation ou d’une division, sont bien développés, vient le moment tant attendu de la récolte.
Récolte et conservation : bien profiter de sa rhubarbe
La récolte est la récompense du travail du jardinier. Pour la rhubarbe, l’usage est de respecter quelques règles pour ne pas épuiser la plante et pour profiter au mieux de ses saveurs, tout en prenant garde à la toxicité de ses feuilles.
Le bon moment et le bon geste pour récolter
Il est primordial de ne pas récolter de tiges la première année de plantation afin de laisser la plante s’établir solidement. Une récolte légère peut être effectuée la deuxième année. C’est à partir de la troisième année que la pleine production commence. La période de récolte s’étend généralement d’avril à juin. Il est conseillé de ne pas récolter au-delà de la fin juin pour laisser la plante reconstituer ses réserves pour l’année suivante. Pour prélever les tiges, il ne faut jamais les couper au couteau. Le bon geste consiste à saisir le pétiole à sa base et à tirer d’un coup sec en le tournant légèrement. Il se détachera alors proprement de la souche. Notre consigne, ne jamais prélever plus des deux tiers des tiges d’un même pied pour ne pas l’affaiblir.
Mise en garde : la toxicité des feuilles
Il est crucial de rappeler que seuls les pétioles (les tiges) de la rhubarbe sont comestibles. Les feuilles, le limbe, contiennent une forte concentration d’acide oxalique, une substance qui les rend toxiques pour l’homme et les animaux. Une fois les tiges récoltées, il faut donc immédiatement couper les feuilles et les jeter au compost. Elles ne doivent en aucun cas être consommées.
Techniques de conservation
La rhubarbe fraîche se conserve quelques jours dans le bac à légumes du réfrigérateur, idéalement enveloppée dans un linge humide. Pour une conservation plus longue, la congélation est une excellente option. Il suffit de laver les tiges, de les couper en tronçons et de les placer dans des sacs de congélation. Elles pourront ainsi être utilisées tout au long de l’année. La transformation en confitures, compotes ou coulis est également une méthode de conservation traditionnelle et gourmande.
Même si la rhubarbe est une plante robuste, elle n’est pas totalement à l’abri des maladies ou des attaques de ravageurs, qu’il est possible de gérer avec des méthodes naturelles.
Attention aux maladies et solutions naturelles de lutte
Bien que résistante, la rhubarbe peut parfois être la cible de quelques ennemis. Une surveillance régulière et l’application de méthodes de lutte respectueuses de l’environnement permettent généralement de garder la situation sous contrôle sans recourir à des produits chimiques.
Identifier les principaux ravageurs
Les principaux gourmands qui s’attaquent à la rhubarbe sont les limaces et les escargots. Ils sont particulièrement friands des jeunes pousses tendres au printemps et peuvent causer des dégâts importants en dévorant les feuilles. Les pucerons peuvent également coloniser le dessous des feuilles, mais les attaques sont rarement massives au point d’affaiblir la plante de manière significative.
Prévenir et traiter les maladies
La maladie la plus redoutable pour la rhubarbe est la pourriture de la couronne ou des racines. Elle est généralement causée par un champignon qui se développe dans les sols trop lourds, compacts et gorgés d’eau. Les symptômes sont un flétrissement du feuillage et un pourrissement de la base de la plante. Il n’existe pas de traitement curatif. La seule solution est la prévention, qui passe par le choix d’un emplacement bien drainé et une préparation minutieuse du sol avant la plantation. Éviter les excès d’arrosage est également crucial.
Des solutions respectueuses de l’environnement
Pour lutter contre les limaces et les escargots, plusieurs solutions naturelles existent. On peut installer des barrières de cendres, de coquilles d’œufs pilées ou de marc de café autour des pieds. Les pièges à bière sont également très efficaces. Contre les pucerons, une pulvérisation d’eau savonneuse (à base de savon noir) ou de purin d’ortie peut suffire à les déloger. La meilleure des préventions reste de cultiver la rhubarbe dans de bonnes conditions pour qu’elle soit forte et vigoureuse, et donc moins sensible aux attaques.
En somme, la culture de la rhubarbe est une aventure gratifiante et accessible à tous les jardiniers. Le choix judicieux d’une variété adaptée, une plantation soignée dans un sol riche et bien drainé, ainsi qu’un entretien simple mais régulier, sont les piliers d’une récolte abondante. En respectant le cycle de la plante pour la récolte et en restant vigilant face aux rares maladies, il est possible de savourer ce légume-fruit aux saveurs uniques pendant de très nombreuses années.